La plaisance n'existe vraiment que depuis le début du dix-neuvième siècle. Et encore, ces débuts étaient bien timides, et uniquement l'apanage de gens très fortunés (souvent officiers de marine, d'ailleurs). Le plus vieux yacht connu, conservé sous un hangar de l'île de Man, date de 1789 et s'appelle Peggy of Casteltown (à ne pas confondre avec le cotre pilote du même nom). Il a été sorti de ce hangar début 2015 pour des travaux de conservation. Mais il est possible que cette grosse chaloupe à 2 mâts ait aussi servi comme bateau de commerce ou même de bateau de guerre, armé de 6 canons.
"Qui va en mer pour le plaisir irait en enfer pour passer le temps" disaient autrefois les marins professionnels.
Jusqu'au milieu du vingtième siècle, c'est resté une activité de riches propriétaires, sur de grands yachts, d'aventuriers, ou encore d'initiés, sur des bateaux plus petits (souvent en rivière). Les artistes-peintres, notamment les impressionnistes, étaient de ceux-ci.
Les régates sont devenues l'objet d'enjeux, parfois nationaux comme la coupe de l'America à partir du milieu du 19 ème siècle ou, plus tard, les jeux olympiques.
La coupe de l'America est née d'une régate organisée en 1851, en Angleterre, dans un port qui était déjà le temple de la plaisance : Cowes. La reine Victoria offrait 100 guinées (d'où le nom : coupe des 100 guinées) au voilier qui effectuerait le plus rapidement le tour de l'île de Wight. On attendait, bien sûr, un Anglais ; ce fut un Américain qui gagna, au grand dam de Sa Majesté et de ses sujets. La belle goélette rapporta le grand pichet d'argent à NewYork et il y resta plus d'un siècle, jusqu'à ce qu'un voilier australien le ramena de l'autre côté de la planète. en 1983, après 132 ans de suprématie US. Le trophée est redevenu américain, puis a été ravi par les Néo-Zélandais, et enfin par les Suisses.
Depuis, plusieurs répliques du voilier mythique America ont été construite ; on peut voir l'une d'elles assez souvent en Méditerranée.
Les grands yachts étaient gréés en goélettes par exemple Westward, dont la réplique Eleonora est sans doute un des plus beaux bateaux naviguant aujourd'hui. Son constructeur était le prestigieux Nathanaël Herreshof, qui faisait partie d'une célèbre famille d'architectes New-yorkais. Elena est une autre réplique de ce yacht . Dans cette classe A des plus grands voiliers de course, vient de renaître le yacht allemand Germania, gràce à sa réplique Germania Nova. Encore plus grand que Westward, ce yacht avait un sister-ship : Meteor, le yacht de l'empereur Guillaume II. Quant à Atlantic, la magnifique goélette à trois mâts, qui a détenu le record de la traversée de l'Atlantique pendant 8 décennies, elle revit sous la forme des 2 goélettes Adix et Atlantic.
D'autres étaient gréés en cotres, comme les fameux Classe J. Quelques-uns de ces magnifiques voiliers, après des décennies d'abandon, ont été restaurés et naviguent ; par exemple Lulworth (construit en 1920) ou Cambria (1928).
Plusieurs d'entre eux sont dus à une famille d'architectes Écossais, tout aussi célèbres que les Herreshoff : la dynastie Fife. C'est le cas des fameux Mariquita, Moonbeam, Moonbeam of Fife, Pen Duick...
Les premières séries apparaissent, notamment les dragons (d'origine norvégienne, 1929) et les requins (conçus en Finlande en 1930).
A partir de 1945, les grand-voiles triangulaires (bermudiennes ou marconi) détrônent les autres types de gréements pour les constructions neuves. Toutes les autres configurations sont traitées de "vieux gréements", souvent avec mépris ; ces bateaux, pourtant souvent très élégants, trouvent un regain d'intérêt depuis le début des années 1980, avec la restauration des bateaux oubliés et de nouveau des constructions neuves en bois avec des voiles à corne ou au tiers.
A partir de 1950, c'est le développement exponentiel de la plaisance, favorisé par la construction en série de voiliers en contreplaqué, dessinés par Jean-Jacques Herbulot (Vaurien, Caravelle, Corsaire, Mousquetaire, etc...) et par Philippe Harlé (Muscadet, Armagnac, etc...) notamment : ces bateaux, de construction économique, devenant à la portée des classes moyennes. Le développement des écoles de voile comme les Glénan, des classes de mer (et du fameux Optimist), les exploits de marins comme Gerbault, Le Toumelin, Tabarly, etc... contribuent à attirer les Français vers la plaisance. L'arrivée des matériaux plastiques et l'utilisation de l'aluminium, d'entretien encore plus facile que le contreplaqué, augmentent encore cet attrait pour la plaisance ; au point que, malgré la construction de ports de plus en plus grands, il n'y a toujours pas assez de places pour tout le monde...Il est vrai que, dans les port, nombreux sont les bateaux qui naviguent très peu...
Certains amateurs de voiliers anciens méprisent les bateaux modernes, et notamment ceux en polyester, qu'ils qualifient de "tupperwares". Pourtant, ces bateaux peuvent apporter aussi de grands plaisirs et sont plus faciles à entretenir ; Il faut simplement qu'ils soient adaptés à leur propriétaire et à leur environnement. Un dériveur, par exemple, est adapté à l'échouage dans une ria bretonne ou un havre normand ; mais le régatier lui reprochera une moins bonne remontée au vent. Tout est affaire de compromis, et il ne faut pas voir trop grand : à petit bateau, petits soucis.
Reste un problème, en ce qui concerne le polyester : celui de son recyclage, à la fin de la vie du bateau. Mais les premiers bateaux construits en "plastique" naviguent encore, s'ils ont été correctement entretenus ; seul le problème de l'osmose peut créer de réels soucis en matière d'entretien. Et puis, on parle de matériaux d'origine végétale pour remplacer les plastiques ; recyclables, mais auront-ils une longévité correcte ?
Il faut de tout pour faire un monde, et l'essentiel, en plaisance, c'est de se sentir bien quand on navigue.
En tous cas, nous avons aujourd'hui une flotte de voiliers extrêmement variée ; et les voiliers classiques n'ont sans doute jamais été aussi beaux, après avoir failli disparaître sur les vasières ou au fond de l'eau.
MERCI pour ce très bel exposé, court, précis et néanmoins complet et sans aucunes erreurs des voiliers de plaisance de leur origine à nos jours agrémenté de magnifiques photos grands formats. Des blogs de cette qualité sur le net sont très rares et on en redemande. Encore bravo!!
RépondreSupprimerUn amateur plaisancier de beaux voiliers, qui sont toujours ( dixit Tabarly ) de bons voiliers.