Les voilures comportant plusieurs voiles carrées nécessitent les gréements les plus complexes qui existent.
Les mâts peuvent être à pible (d'une seule pièce). C'est le cas pour les mâts métalliques de voiliers les plus récents : aujourd'hui, on sait fabriquer et souder des tubes très longs, de plusieurs dizaines de mètre, et faire des mâts rétreints, c'est à dire dont le diamètre diminue vers le haut (où les efforts sont moindres, et cela permet de diminuer le poids du mât).
Mais, pendant longtemps, il a été préférable de faire des mâts en plusieurs parties (3, le plus souvent ; parfois 2) : C'est indispensable pour construire des mâts en bois et plus pratique pour les mâts métalliques. Le mât supérieur, ou mât de perroquet, est plus fin que le mât du milieu (ou mât de hune). Le mât inférieur, ou bas-mât, a un diamètre plus important (plusieurs décimètres). Ces mâts composés sont aussi appelés mâts à chouque à cause de la façon dont ils sont assemblés (voir article sur les espars et le gréement).
Le haubanage est très complexe : chacune des 3 parties doit être haubanée séparément. Une plateforme, appelée hune, sert d'ancrage aux haubans du mât situé au-dessus d'elle. Elle est parfois remplacée par des barres de flèche, comme sur des voiliers plus petits.
On voit ici des cadets du Mircea,
le trois-mâts école roumain, monter aux enfléchures du mât de hune. Sur
ce navire, les enfléchures sont des cordages reliant les haubans. |
Détail d'un cadet montant aux enfléchures du Mircea. |
Sur le Belem, comme sur beaucoup de grands voiliers, les enfléchures sont des barreaux de bois reliant plusieurs haubans ensemble. |
Au port, la montée peut se faire d'un bord ou de l'autre, sauf par grand vent. Mais en mer, elle doit se faire par le bord au vent, celui-ci plaquant le marin contre les enfléchures. La gite rend aussi l'utilisation de ce bord plus facile. On doit aussi poser les mains sur les haubans, et non sur les enfléchures : celles-ci peuvent céder (c'est pourquoi, chaque gabier évoluant dans le gréement doit signaler les éventuels points faibles à réparer).
Autrefois, de nombreux marins sont tombés lors des déplacements et surtout pendant le travail dans la mâture : aujourd'hui, le port du harnais est indispensable, et il est nécessaire de l'amarrer dès qu'on a moins de 2 points d'appui. Il faut, en principe, avoir deux pieds et une main, ou un pied et deux mains, solidement posés. On dit souvent : une main pour soi (pour se tenir), l'autre pour le bateau (pour travailler). Mais le harnais permet à un gabier adroit de travailler avec les deux mains sans trop de risques.
Les vergues sont des espars à peu près horizontaux et généralement orientés perpen-diculairement à l'axe du navire. Contrairement à la plupart des autres espars, comme les guis ou les cornes, elles ne peuvent jamais être dans l'axe du voilier. Elles ont une taille et un poids considérables sur les grands voiliers. Elles sont généralement suspendues aux mâts par une chaîne ou une barre de fer et par un étrier qui leur permet de pivoter horizontalement (et un peu dans le sens vertical).
Le mât photographié ci-dessus est celui d'une frégate cuirassée, le Schorpioen. ce navire néerlandais, que l'on peut visiter à Den Helder, est représentatif du milieu du 19ème siècle. |
Détail de la grand-vergue du trois-mâts école Sagres |
La vergue est suspendue au mât par une chîne et un étrier (fixé au mât par un collier). On voit bien les marchepieds (un de chaque côté de la vergue), allant du milieu à l'extrémité de la vergue et suspendus aux étriers.
Ci-dessus, un détail de la grand-vergue du trois-mâts école Sagres. on voit la tige de fer par laquelle cet énorme espar est suspendue au mât et à la hune. L'étrier permet d'orienter la vergue à environ 50° de la perpendiculaire à l'axe du bateau, ce qui est un maximum. Cet angle est pratiqué en mer pour naviguer au près, et au port pour limiter l'encombrement latéral du gréement. Un grand rapporteur permet de lire cet angle.
Chaque extrémité d'une vergue est suspendue au mât par une balancine.
Le dessus de chaque vergue porte généralement deux barres longitudinales, fixées à la vergue par des pitons : la filière d'envergure, qui sert à fixer la voile à la vergue, et la filière de sécurité, que les gabiers peuvent prendre en main pour se tenir ; ils peuvent aussi y amarrer leur harnais de sécurité. Le nom de filière vient du fait qu'autrefois il s'agissait de cordages.
D'une extrémité de la vergue au mât, sous la vergue , un câble sert de marchepied aux gabiers. Il est soutenu par des étriers, câbles courts amarrés à la filière de sécurité.
Vergue du Belem |
Vergue du Belem annotée |
Vergues du Belem (hunier fixe et hunier volant) |
Les Cadets du Mircea saluent Brest |
On appelle vergue volante une vergue qui est descendue lorsque sa voile n'est pas établie et qui est hissée lorsqu'on l'établit ; le dispositif d'amarrage de la vergue sur le mât coulisse sur un rail qu'on distingue sur la photo (il est noir) On distingue bien aussi la grosse chaîne qui suspend cette vergue et permet de la hisser : il s'agit donc d'une partie de la drisse.L'ensemble pouvant céder accidentellement, par exemple sous le poids des gabiers, on ne doit jamais travailler sur une telle vergue lorsqu'elle est hissée. Ce principe, permettant d'abaisser le centre de gravité du gréement quand la vergue est baissée, est utilisée pour les voiles hautes.
Belem |
Belem |
Le gréement courant des voiles carrées comprend des bras, des écoutes, des cargues et parfois des ris. Tous ces cordages sont manœuvrés depuis le pont : en-dehors des travaux d'entretien et de réparation (graissage, peinture, changement de poulies et de cordages, déblocage d'une manœuvre coincée, etc), les interventions dans la mâture se limitent au ferlage des voiles (qui consiste à les serre en plis réguliers autour des filières, ou de la vergue elle-même sur les bateaux moyens) et à leur largage.
Dar Mlodziedzy |
Un gabier et des stagiaires ferlent le grand cacatois et le grand perroquet du Belem. |
Deux gabiers du Belem passent les rabans autour de la filière d'envergure pour ferler la vergue. |
Gabier du Belem |
Le brick néerlandais Mercedes |
Les bras servent à orienter la vergue par rapport à l'axe du navire, donc à border ou à choquer la voilure. Quand on borde, c'est à dire qu'on raidit un bras, on dit qu'on brasse la vergue.
Cette vue latérale du brick néerlandais Mercedes montre assez clairement la disposition des bras : Les bras des vergues du mât de misaine sont renvoyées sur le grand mât et descendent au pied de ce mât ; celles des vergues de grand mât sont renvoyées sur le mât de misaine ; à l'exception des basses vergues (v. de misaine et de grand-voile), qui sont reliées au bord du navire.
Si les bras des vergues hautes venaient directement au pont, leur angle de tire serait beaucoup trop aigu : les efforts demandés pour brasser les vergues serraient beaucoup trop important.
Sur cette vue agrandie de l'image précédente, on voit les 3 vergues hautes de chaque mât. Les bras ont été soulignés (les bras tribord en vert, les bras bâbord en rouge). On a également souligné, en bleu, les écoutes tribord (celles de bâbord sont difficilement visibles à cause du gréement dormant).
Belem |
Belem vu de derrière |
Vergues de brasseyage tribord et les bras |
Ces vergues de brasseyage se voient bien sur cette photo du Belem, prise de l'arrière. Les bras de la grand-voile ont été surlignés : celui de bâbord en rose, celui de tribord en vert. Le navire est tribord amures : les vergues sont brassées sur bâbord, les bras tribord des vergues et l'écoute de grand-voile sont choqués, le navire reçoit le vent sur tribord.
Vergue de brasseyage du trois-mâts carré néerlandais Stad Amsterdam |
Grand phare du Belem |
Les écoutes ne servent pas à border les voiles, sauf dans le cas des plus basses voiles. Ces basses voiles sont également réglées par une amure, qui tire le point d'écoute vers l'avant, tandis que l'écoute le tire vers l'arrière. Pour les autres voiles, les écoutes ne servent qu'à aplatir plus ou moins la toile. Ce sont parfois des chaînes ; elles passent sous la vergue situées sous la voile et sont renvoyées vers le pied du mât par des poulies.
Sur cette photo du grand phare du Belem, les flèches rouges montrent les écoutes du cacatois, du perroquet et du hunier fixe.
Grand-vergue du Belem |
Cette photo de l'extrémité de la grand-vergue du Belem montre, entre autres, la disposition des écoutes : la grand-voile porte, à son point d'écoute, une amure qui permet de le tirer vers l'avant (le point d'écoute devient alors point d'amure) et une écoute qui permet de le tirer vers l'arrière, c'est à dire de border la voile. Noter qu'ici la grand-voile est carguée (voir ci-après).
Artemis |
Artemis |
Les écoutes des voiles supérieures servent simplement à aplatir plus ou moins la voile ; celle du hunier fixe est une chaine qui passe autour d'une poulie en bout de vergue, puis sur une poulie située au milieu de la vergue, en avant du mât. La chaîne ou le bout est relié à un palan qui descend à un râtelier de pavois ou de pied de mât, ou on peut l'étarquer (voir ci-dessous).
Les cargues sont des cordages qui permettent de remonter la voile vers la vergue : on appelle cela carguer la voile. Chaque voile en comporte plusieurs, variables selon le niveau de la voile sur le mât (et ses dimensions).
Belem |
Détail des cargues de la grand-voile et du grand hunier du Belem. |
Cargues soulignés de rouge |
Sur cette photo, on voit la façon dont un cargue est frappé (amarré) sur la bordure du hunier ; on remarque aussi la ralingue d'envergure de la grand-voile, ainsi que la façon dont les cargues de grand-voile sont renvoyés vers le pied du mât par des poulies.
Huniers fixes et volants cargués |
Remarquez aussi les margouillets, par lesquels passent les cargues ; la chaîne, sur la gauche, est l'écoute de hunier volant.
Sur les navires anciens, les voiles étaient souvent carguées en fanons ; elles offraient alors une certaine prise au vent et risquaient de se déchirer par grand vent.
Shtandart |
Vergues du Shtandart |
Un détail de la photo précédente montre comment certains points du bas de la voile sont ramenés vers la vergue, par les cargue-fonds.
Le trois-mâts brésilien Cisne Branco |
Cette photo montre le trois-mâts brésilien Cisne Branco, à l'Armada de Rouen 2008. Ses voiles sont simplement carguées, pas ferlées : l'effet est artistique dans un port, mais avec du vent, en pleine mer, les voiles s'abîmeraient très vite : il faut alors les ferler aussi soigneusement que le permet le mauvais temps.
Les ris sont de petits cordages frappés sur la voiles selon des rangées horizontales (bandes de ris) et permettant de réduire une voile en la ferlant partiellement. Ce dispositif de réduction de la voilure était courant jusqu'au début du 19ème siècle : chaque mât portait alors un nombre limité de grandes voiles carrées (2 ou 3). L'invention de phares carrés très divisés (5, voire 6 voiles par mât), avec adoption de vergues volantes, a permis de réduire la voilure en carguant les voiles l'une après l'autre, dans un ordre bien précis. Ainsi, on évite cette manœuvre, très délicate et dangereuse par vent fort, qu'est la prise de ris.
Earl of Pembroke |
Huniers du Earl of Pembroke |
Belle Poule |
Hunier de la Belle Poule |
Ci-dessus, sur la Belle Poule, le hunier est à moitié déroulé . Le système permet d'augmenter ou de diminuer progressivement la surface de la voile.
Cette photo montre le hunier entièrement établi. On remarque, juste sous la vergue, l'espar autour duquel la voile peut être enroulé, grâce à un mécanisme pouvant être actionné depuis le pont, grâce à des cordages et des poulies de renvoi.
Ici, le hunier est presque entièrement ferlé (à part les points d'écoute) autour du rouleau.
Le nombre de cordages (près d'une centaine sur chaque bord pour un trois-mâts barque) d'un gréement à voiles carrées est donc impressionnant. Peut-être les explications ci-dessus vous permettront-elles de mieux le comprendre lorsque vous lèverez les yeux vers une de ces cathédrales de toile et de cordages
.
Mais que se passe-t-il sur le pont ? Tous ces cordages y descendent et, pour les manœuvrer, il faut y mettre de l'ordre. Ce qui est fait grâce à des râteliers, munis de cabillots, sur lesquels on tourne les cordages pour les amarrer. Ces râteliers se trouvent et autour des pieds de mâts le long des pavois du navire. Chaque cordage y a une place précise, que les marins doivent apprendre, sous peine de confondre une écoute avec un cargue ou une drisse, ce qui peut avoir de grosses conséquences.
Râtelier de pavois du Belem |
Ce râtelier, sur l'Amerigo Vespucci, se trouve sur le pont, à proximité du pavois. |
Pied du grand-mât de l'Amerigo Vespucci, avec un des râteliers. |
Pied de mât du Mircea. |
Râtelier du pied du grand-mât du trois-mâts carré Duchesse Anne. Remarquez, derrière le mât, le treuil destiné à vire les cordages. |
Pont de la Duchesse Anne vu vers l'arrière (on aperçoit la dunette, au fond). De nombreux râteliers se trouvent tout le long du pavois bâbord. Remarquez aussi les ridoirs, au premier plan. |
est ce qu il existe des metier pour construire les voilier a plusieur mats
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